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Covid-19

La Cour de cassation saisie d'une QPC sur la suspension du contrat de travail pour refus de l'obligation vaccinale

Des conseils de prud’hommes, saisis en référé par des salariés n’ayant pas respecté leur obligation vaccinale contre le covid-19, ont transmis une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à la Cour de cassation au sujet de la procédure de suspension du contrat de travail avec perte de rémunération. Nous saurons d’ici 3 mois si la Cour de cassation accepte de transmettre à son tour cette QPC au Conseil constitutionnel.

Suspension du contrat de travail de salariées voulant attendre la mise sur le marché du vaccin Sanofi

Le contrat de travail d’une salariée soumise à l’obligation vaccinale a été suspendu par son employeur au motif qu’elle n’était pas à jour de cette obligation. Cette salariée soutenait vouloir attendre la mise sur le marché du vaccin Sanofi contre le covid-19. Elle a alors saisi en référé le conseil de prud’hommes de Troyes.

Une autre salariée, en arrêt de travail, s’inquiétait de voir son contrat de travail suspendu pour les mêmes motifs à son retour. Elle invoquait aussi le droit d’attendre la mise sur le marché de cet autre vaccin devant le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc saisi en référé.

Ces deux affaires ont donné lieu à la saisine de la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à l’encontre de l’article 14-II de la loi du 5 août 2021 qui prévoit la suspension du contrat de travail du salarié qui refuse de se soumettre à l’obligation vaccinale.

Pour rappel, l’obligation de vaccination est entrée en vigueur le 7 août 2021, avec la mise en place d’une période transitoire qui s’est achevée au 15 octobre 2021 à minuit. Entre le 15 septembre 2021 et jusqu’au 15 octobre inclus, il fallait a minima justifier d’une première dose de vaccin et d’un test virologique négatif pour travailler (ceci pour les vaccins à deux doses). Mais depuis le 16 octobre, il faut justifier d’un schéma vaccinal complet ou, à défaut, d’un certificat de rétablissement ou de contre-indication à la vaccination.

Demandes de QPC en lien avec le respect des conventions internationales

La QPC déposée devant la Cour de cassation par les juges prud’homaux met en avant les conventions internationales signées par la France pour remettre en cause la suspension du contrat de travail, sans rémunération, des salariés refusant de se soumettre à l’obligation vaccinale instaurée par la loi du 5 août 2021.

« Les dispositions de l’article 14-2 de la loi 2021-1040 du 5 août 2021 relatives à la gestion de la crise sanitaire sont-elles contraires au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 qui rappelle l’engagement de la France de respecter ou faire respecter l’ensemble des conventions internationales en ce que les conventions internationales font interdiction à tout pays signataire de priver tout travailleur quel qu’il soit d’une rémunération, d’une protection sociale par différents artifices et notamment une suspension arbitraire du contrat de travail ? »

Les conseils de prud’hommes ont relevé que les trois conditions nécessaires pour transmettre une telle question étaient réunies :

-l’application de la loi au litige, sachant que la demande d’interdiction de suspendre le contrat de travail est en lien avec l’article 14-II de la loi du 5 août 2021 invoqué dans la QPC ;

-l’absence de déclaration préalable de conformité, sachant que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 5 août 2021 relative à la loi en cause n’a pas examiné l’article 14-II faisant l’objet de la QPC et n’a donc pas eu l’occasion de le déclarer conforme à la Constitution (voir notre actu du 6 août 2021, « La loi sur le Pass sanitaire publiée suite à la validation de ses dispositions phares par le Conseil constitutionnel ») ;

-le caractère sérieux de la question, étant donné que le texte en cause a instauré de nouvelles mesures contraignantes dont la suspension du contrat de travail des salariés ne pouvant plus exercer leur profession pour cause de non-vaccination contre le covid-19.

Pour rappel, dans sa décision du 5 août 2021, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur l’obligation vaccinale en elle-même, prévue par l’article 14-I de la loi, et a jugé que cette mesure poursuivait un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

Cas particulier du salarié en arrêt maladie

La salariée en arrêt maladie posait une question plus spécifique.

Le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc a relevé que la loi du 5 août 2021 ne précisait pas la durée et l’issue de la suspension du contrat de travail en lien avec l’obligation vaccinale lorsque le salarié est, comme ici, en arrêt maladie.

C’est pourquoi, ce juge des référés a choisi de suspendre l’application de l’obligation vaccinale de cette salariée jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel ou de la Cour de cassation. Dans l’attente, l’employeur ne pourra donc pas suspendre la salariée de ses fonctions, que ce soit pendant son arrêt maladie ou à son retour, au motif qu’elle ne remplirait pas son obligation vaccinale.

Pour rappel, concernant des agents publics, le débat s’est déjà présenté devant des tribunaux administratifs. Celui de Besançon a considéré comme valable la suspension du contrat de travail de l’agent en arrêt maladie à la date à laquelle il devait attester avoir reçu une première dose de vaccin ou faire l’objet d’une contre-indication à la vaccination. À l’inverse, celui de Cergy-Pontoise a suspendu la décision de suspension du contrat de travail d’un autre agent public hospitalier pendant son arrêt maladie (TA Besançon, ord. référé du 11 octobre 2021, n° 2101694 ; TA Cergy-Pontoise, ord. référé du 4 octobre 2021, n° 2111794). Pour plus de détails voir notre actualité du 15 octobre 2021, « Nouveaux jugements à propos d’agents publics non-vaccinés suspendus, avec le cas d’agents en arrêt maladie ».

Maximum 3 mois avant que la Cour de cassation se prononce sur la QPC

Il faudra attendre au plus 3 mois avant que la Cour de cassation ne détermine si la question fait naître un doute raisonnable quant à une méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution.

Si tel est le cas, elle décidera alors de renvoyer la QPC devant le Conseil constitutionnel qui aura, de nouveau, 3 mois pour se prononcer (loi 2009-1523 du 10 décembre 2009, art. 23-10).

CPH Troyes 5 octobre 2021, n° R 21/00027 https://revuefiduciaire.grouperf.com/plussurlenet/complements/20211020_Ordo_refere_CPH_Troyes.pdf ; CPH Saint-Brieuc, ordonnance du 12 octobre 2021, n° 21/00024 et n° 21/00025 https://revuefiduciaire.grouperf.com/plussurlenet/complements/20211020_Ordos_refere_CPH_Saint_Brieuc.pdf